Voici pour vous un projet de dessin à tatouer, que le
syndicat national des artistes tatoueurs ne validera sans doute pas. Pourtant,
quelle belle idée de cadeau collectif. Quelle nouvelle manière d’aborder le trait
et de sublimer le message. Quel dommage.
Mais pourquoi soudain s’improviser maître du pistolet
à encre ? À la faveur d’une anecdote, encore elle, toujours elle.
Le candidat sans lunettes du second tour s’est donc fait chiper son nom
de domaine par une tatoueuse seine-et-marnaise. Un homme d’état démuni face à
la réalité du web. Une professionnelle énervée, qui depuis 17 ans cherche à
faire reconnaître son activité face à une administration bornée, et qui va
prendre au dépourvu une armada de communicants politiques pour nommer sa cause,
son combat. Gonflé comme un biceps sur lequel s’épanouirait… un tigre/une
geisha/un aigle/une ancre marine/une gargouille/une salamandre/Betty Boop/un
cœur saignant/un motif maori/une cible… car les symboles ont la peau dure. Scott Campbell, artiste dont le style et le stylet s’arrachent, reconnaît une forme
de tradition et de constance dans l’ornement de peau : pour les mecs, des
crânes ; pour les filles, des papillons.
Le papillon, celui qui figure sur la couverture de l’inaugurale et
hivernale édition d’un magazine d’art et qu’il faudrait délicatement gratter
pour découvrir le tatouage (en forme de papillon) réalisé par l’artiste Damien
Hirst sur un sexe volontaire et féminin. Le papillon, l’insecte qui suscite une
adhésion généralisée. Tout le monde aime les papillons, tout le monde a peur
des requins. Damien Hirst est en cela très proche de l’esprit tatouage, qui
individualise les grandes fictions collectives. On voudrait que son tatouage ne
ressemble à aucun autre et pourtant, un réflexe prêt-à-porter, une volonté de
reconnaissance, et un petit serpent finit par enserrer une cheville. Certains
préféreront toujours le dessin d’une jambe poilue sur leur jambe poilue, mais
parce qu’il s’agira aussi de porter l’œuvre d’un artiste sur sa peau support. D’autres,
plus frileux, achèteront un pull en cachemire reproduisant les emplacements
exacts des tatouages d’un artiste tatoué.
Un autre artiste, John Baldessari, fait une proposition
enthousiasmante, avec cette phrase à apposer dans un lettrage pas compliqué : « I
will not wear any more boring tatoos *»
C’est aussi ce qu’on se dit. Car styliser une rose de plus, celle qui fleurit
dans les catalogues de tous les tatoueurs, quel ennui ! Alors, pourquoi pas « Vive
les 35 heures » ou « Je hais la finance » ? Bof, on était
moins chaud.
*je ne porterai plus de tatouages ennuyeux