dimanche 15 avril 2012


J’ai écouté du théâtre à la radio. La pièce était une réelle découverte, le défaut de vision accroissait ma capacité d’écoute et il s’agissait bien plus que d’une lecture avec bruitage. Les voix m’étaient inconnues, le texte aussi, tout comme la troupe. J’aimais bien cette idée. Les enregistrements de textes d’auteur interprétés par des acteurs aux timbres mille fois entendus m’éloignent toujours un peu de l’écriture. Je bascule alors dans un registre autre, celui d’une admiration cumulée, pour la voix et pour le récit. C’est en regardant la programmation à venir du Théâtre de la Ville, que je suis tombée sur Robert Plankett, création du Collectif La vie brève. L’histoire d’un jeune homme qui meurt d’un AVC en ramassant des pommes dans son jardin. Ses proches qui se rassemblent pour trier ses effets, s’occuper des formalités. L’émission L’Atelier fiction sur France Culture a proposé à la troupe d’imaginer Robert Plankett telle une œuvre sonore. La diffusion en accès libre se fait bien avant la représentation, c’est généreux. Cette histoire de deuil à l’oreille, outre sa qualité dramaturgique et sa part d’invention, me fait un drôle d’effet. Une scène précisément. Une femme dans le groupe d’amis se charge d’expliquer ce qu’est un AVC, répondant à l’angoisse suivante : Pourquoi un homme, d’une minute à l’autre, cesse d’exister, en lui-même ? Comment se représenter cette abomination, comment la rendre, si ce n’est supportable, au moins possible ?
La femme se lance avec douceur dans un vrai exercice de pédagogie clinique, interpellant Robert afin qu’il joue les prolongations : il revient pour la reconstitution, se prête de bonne grâce à refaire ses derniers gestes de vivant, tenir ses derniers propos. Elle explique donc le déroulement de cet accident vasculaire cérébral. Ce qu’il endommage, chaque partie atteinte dans le cerveau provoque un trouble irrémédiable, compromettant toujours un peu plus l’élan vital. La description étape par étape de cette agonie, puisque l’homme, peu à peu dépossédé de lui-même, est en train de mourir, est très belle. Est-ce parce qu’il s’agit du cerveau, et que chaque dommage, affectant la mémoire, le mouvement, créant des hallucinations visuelles et auditives est une matière parfaite pour le récit, mais il se produit quelque chose. Un déplacement, un transport.
Imaginer à chaque maladie ou dysfonctionnement sa propre fiction. Une parole de conteur, non de médecin. Trouver l’antidote au Vidal. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire