samedi 30 juin 2012


Deuxième démarque, 
-20% supplémentaires sur le prix déjà soldé

J’avais encore une chance,
De finir sur un dos
D’être offert en cadeau
D’échapper à la nuit.

Mais par inadvertance
Une femme fardée
M’enfila sans envie
Me laissant sur le col
Une trace abhorrée.

Du rouge, un peu de brun
Cette graisse appliquée
Que nous craignions chacun
Qui nous condamne à vie.

Qui voudrait maintenant
Gouter de mon étoffe
Je suis marqué au fer
Et mon sort de misère
Scellé, hara-kiri.


vendredi 29 juin 2012


Soldes

Je suis au rabais
Cintré sur mon portant
Et j’attends le moment
Où le prix sacrifié
Laissera bouche bée
Le chaland.
Las, nous sommes si nombreux
Que le désir s’émousse
Que la main m’ignore, me balaie.
La remise m’attend,
Le sort des refusés,
La peste pour eux tous,
Si je les laisse indifférents.


mardi 26 juin 2012






Choisir de se réjouir de ce nouvel instrument de mesure et de discernement qu’est l’ethylotest, bientôt obligatoire. Avant, il y avait la boîte à gants, bon indicateur d’alcoolémie. Était-elle bourrée de substituts nicotiniques ? Prédire dans ce cas des difficultés à arrêter la cigarette et l’alcool à la fois. Était-elle pleine de tablettes à mâcher parfum menthe extra-forte ? L’haleine de buveur n’aurait trompé personne. Saturée de vieux CD et de vieux Fluide Glacial ? Un point faible : la bière. Truffée de préservatifs ? Ah, le dernier verre désinhibant ! Ou ne contenait-elle qu’un gilet de sécurité bien plié, et en dessous les papiers du véhicule ? Probablement une voiture de location où clignote le mot "franchise". Aujourd’hui, la boîte à gants met tout le monde d’accord. En l’ouvrant, il apparaît, avec son double embout. Les six manipulations qu’il demande indiqueront déjà l’état du conducteur. Et bientôt, le verdict en couleurs. Dans le tube, les cristaux restent jaunes. Mais de quel jaune s'agit-il ? Trouble Ricard, Vodka Citron, Cocktail Mimosa, Champagne demi-sec, urine avinée, petit ballon de blanc ? Si le jaune passe au vert, et donc au rouge, remercier d'abord l’ironie des fabricants. Puis repenser au temps du vert Absinthe, Anis, Chartreuse, Bouteille, Menthe, Olive, Perroquet, Pistache, Get 27, pour faire passer le sien, penaud dans l'habitacle, sauf si décision est prise de démarrer en vert et contre tous. 

dimanche 24 juin 2012


Une main de femme vient rencontrer une joue d’homme. Une gifle est donnée à plusieurs reprises, le temps d’une chanson, et il semble qu’elle ponctue la phrase musicale. Une claque au bruit précis, à la rigueur de métronome, qui intervient en rythme, avec ampleur, intensité, application. Une branlée qui prend son temps. Pas le genre de petite tape subreptice, de raclée sans style, qui déraperait sur un coin de bouche. Plutôt un service parfait. Le visage qui reçoit la beigne appartient à un corps assis et de dos. On ne voit que le mouvement de la tête qui accueille, accompagne la torgnole et revient dans son axe, comme si la joue était entièrement dévouée à cette unique et secrète mission : recevoir la mandale. Face à la baffe, aucun mouvement de repli, de protection ou de riposte du destinataire, aucun autre déplacement d’air que cette jouée (on dit bien fessée). Dans ce ballet d’une main à une pommette, une communion, un rituel, comme si plus rien d’autre ne comptait désormais, comme si cette main n’avait jamais eu pour autre objectif que de réaliser ce geste. La pulpe des doigts doit brûler aussi, le visage s’empourprer. Il faut le faire. Aller au bout du morceau, c’est tout. Après quoi, on changera la face du disque.

C’était une vision, au Théâtre de la Cité Internationale, un moment suspendu de Melody Nelson par Fanny de Chaillé et Grégoire Monsaingeon.

vendredi 22 juin 2012

jeudi 21 juin 2012


Célébrer encore et toujours le cri,
En cacabant sans estrade, sans ampli,
ni micro aujourd'hui.
Cacaber comme avant,
Sans autre engagement
Que de le faire aussi
Le dimanche, assoupi.

mardi 19 juin 2012

Je ne regarderai plus les affiches de film de la même manière. Elles me disent des choses que je ne sais peut-être pas écouter. Un œil vigilant vient de m'inciter à étudier plus attentivement celles qui annoncent les sorties du mercredi 13 juin : dans le lot, 4 usent du même procédé. Montrer des corps assis (sur un banc public, dans un bateau, sur une plage, sur une pelouse). Représenter cette position dans un but promotionnel est visiblement une bien basse manœuvre. En effet, tout être "siégeant" se réfèrerait au spectateur, qui, le cul dans son fauteuil, attend son long métrage. En l'imitant ainsi, les exploitants ne chercheraient qu'à le faire venir s'asseoir dans leur complexe. Comme si l'assise appelait l'assise, proche en cela du baillement ou du fou rire. L'analyse est cocasse et l'analyste remonté (qui parle d'opportunisme, de populisme et d'infamie à propos de ces choix artistiques). 
Et je m'aperçois que, pour la salve de nouveautés de la semaine passée, beaucoup d'acteurs étaient aussi montrés le fessier reposant (sur un cheval, sur un capot de voiture, sur un ponton, sur un canapé, à même le sol). Et comble du malheur, encore auparavant, l'affiche de Cosmopolis, film dont j'ai chanté les louanges, a cédé à la même facilité. Mon moral s'affaisse.



lundi 18 juin 2012



Et cette nuit, le ciel est vraiment tombé. 
Au matin, les gouttières miaulaient.  

dimanche 17 juin 2012

1,2,3 soleil ! 
Ces temps-ci, j'ai cela dans la tête à force de voir nuager. Le surprendre à briller quand j'ai le dos tourné, rien qu'un peu, même un rayon, là, dans ma nuque. Comme aujourd'hui. Mais déjà les prévisions s'amassent en vapeur d'eau. Alors, peut-être que ma formule n'est pas la bonne. De légères investigations plus tard et voilà que mes craintes se confirment : pas plus de soleil là-dedans que dans le ciel parisien de juin.
Fracas d'enfant.  
1,2,3 soleil n'est pas partout le rond jaune universel.
1,2,3 étoile en Italie ; 1,2,3 squelette au Maroc ; 1,2,3 petit singe chinois au Portugal ; 1,2,3 citrouille au Mexique ; 1,2,3 piano aux Pays-Bas et en Belgique ; 1,2,3 hareng en Israël, 1,2,3 la sorcière regarde ! en Pologne, 1,2,3 feu rouge en Suède, 1,2,3 petite poule anglaise en Espagne...
Des fondements qui vacillent, des certitudes qui s'effondrent, des incantations hasardeuses, alors je souhaite qu'il pleuve. Mais la pluie, elle aussi, se met à ne pas être fiable.
Elle est des grenouilles,
mais ailleurs,
des chats et des chiens, 
des bateaux et des tonneaux,
des jeunes chiens,
des pieds de chaise,
des brouettes,
des femmes trolls,
des vieilles femmes et des bâtons, 
des couteaux et des fourchettes, 
de la terre et du sable,
des maris...
La météo, un sujet anodin ? J'émets des doutes. 

vendredi 15 juin 2012


Givenchy Collection Croisière 2013 par Riccardo Tisci

C'est bien la première fois que la mode entre ici, mais je ne me lasse pas de cette silhouette.  Cette femme caméléon a fusionné avec le paysage new-yorkais. Sur le bitume, l'entaille dans la chaussée continue sa route sur la robe, avec ce petit liseré entre les deux losanges blancs qui pourraient bien être deux éléments de signalisation indiquant l'obstacle que représente son corps, si une voiture venait à passer. Sa poitrine est en brick wall, le motif cachemire est fait de cette même teinte rouille un peu brouillée qui s'épanouit sur le mur derrière elle. Une autre ligne rouge ceint ses seins et voilà qu'elle est le bâtiment ; sur la façade, la même démarcation travaille le volume. La brique recouvre bien son corps tout entier, sinon elle ne serait que ruines, mais elle est en partie occultée par l'escalier de secours extérieur qui descend peu à peu le long d'elle, zigzaguant de manière graphique, ajoutant ce relief de noir et de brun. Et comme dans tous les appartements de Manhattan, elle accueille une famille de cockroaches. Ils sont là, à sa taille, comme un trophée domestique. Cette femme est une très belle maison. 



mardi 12 juin 2012




Ce sont des « nœuds qui parlent ». Des cordelettes nouées et traditionnellement réalisées en poil d’alpaga ou de lama, utilisées par les Incas qui, dépourvus de système d’écriture, avaient trouvé là un instrument de gestion économique et sociale, une évaluation précise des biens de la communauté. Ce quipu, car tel est son nom, était aussi moyen de communication : un messager le portait de village en village en mémorisant les informations qui y étaient conservées, pour les restituer à leurs destinataires.
Mêler des brins entre eux pour dire la chose nécessaire. Dans ce qu’on nommerait peut-être aujourd’hui un accessoire, tenant presque du bracelet grigri, pourquoi ne pas essayer de rassembler les fondamentaux d’une vie ? Dans ces franges ouvragées, et par logiques de couleurs, de paliers, tricoter son histoire. Un rang par année, des teintes attribuées aux événements, des épaisseurs intermédiaires pour l’affliction, des jeux de superposition pour les croisements de vie, des longueurs différentes pour respecter les silences. Une mémoire faite de fils avant qu'ils ne disparaissent, avant le passage au souvenir wifi. Pourquoi pas.   

dimanche 10 juin 2012



 "L'Assemblée".
(Nommons ainsi, pour l'occasion législative, cette prise de catch, tirée du film documentaire américain de Robert Greene, Fake It So Real. Malheureusement, pas de date de distribution prévue en France pour comprendre ce qu'est vraiment un combat simulé.)

vendredi 8 juin 2012




J’ai vu Cosmopolis. Non loin de la Bastille. Selon l’indicateur Google Maps, outil tellement dépassé déjà, Cosmopolis serait coincé entre deux banques, quelle belle ironie. Je n’ai pas vu de limousine proustée* garée à proximité, mais un Paradis du Fruit. Nous ne sommes qu’à Paris, malheureusement, au potentiel dramaturgique plus falot.
Via l’écran mal calibré de mon ordinateur (mot arriéré et idiot), j’ai découvert cet endroit mystère, après le livre et le film éponyme. Le voir virtuellement me suffit, je n’ai pas besoin d’en faire l’expérience. Sur la carte, chaque lieu est annoté d’un petit commentaire, qui apparaît dans une fenêtre, si l’on s’attarde dessus. Lenôtre Bastille : « Beaucoup trop cher. Épicerie élitiste dont les produits ne sont pas forcément à la hauteur de leur prétention ». Nouvelles Frontières : « marche un peu haute, difficulté pour entrer ». Colline : « habituée des magasins bios, je peux vous dire que le service dans cette boutique y est déplorable, la femme qui vous reçoit ne tient pas plus de 5… ». Centre Kinésithérapie Henri IV : « Grand non sportif devant l’éternel, j’en subis les conséquences en ayant régulièrement mal au dos. Qu’à cela ne tienne, je file chez mon kiné… ». Parking St Antoine : « Je me suis fais insulter de fils de p*** par le pompiste parce que je ne voulais pas payer le surplus d’essence qu’il m’avait mis, ce monsieur… ». Jacques Dessange Bastille : «  très mauvaise expérience également : la coloriste s’est trompée dans le dosage des produits et m’a littéralement brulé les cheveux ! et en prime elle m’a… ». Et puis Cosmopolis, se présente dans une sorte de novlangue : « Wykonawka : Brygada Krysys. Wydawka : Rockers Publishing. Rok Wydania :2000. MEGACD 1302. jewel case. Lista utworow :1. Subway Train. Brygada Krysys ». S’agit-il d’un revendeur de films russes de série B ? Ou est-ce un nom de code, comme Nancy Babich, qui permettrait de déclencher une explosion majeure et rayerait Paris de la carte et tous ces petits commerces visiblement pas terribles ?
Cosmopolis, quoi qu’il en soit, a de l’allure, comme si le mot même était devenu une matière à fiction, grâce au génie de Don de Lillo, et hors de lui désormais. Des mots, ceux qui hantent le film, et qui sont sa colonne vertébrale. Cronenberg dit avoir d’abord retranscrit l’intégralité des dialogues, et que le scénario a surgi là, autour de ces vertigineux échanges.
Deux phrases du livre (parmi d’autres) ne sont pas prononcées par Eric Packer/ Robert Pattinson, mais j’aimerai leur donner une petite voix :  
« Nous ne pouvons pas attendre la brume du petit matin. »
« Vous me donnerez le poisson cru empoisonné au mercure. »


* Prouster : néologisme dellilien : prouster une limousine, c’est la tapisser de liège, comme Marcel Proust le fit dans la chambre de son appartement du 102 boulevard Haussmann lorsqu’il entreprit de rédiger À la recherche. Retranchement phonique alors nécessaire.

mardi 5 juin 2012



L’événement est assez rare pour être signalé. Un joueur de tennis français a failli accéder à la demi-finale de Roland-Garros. Quatre fois il a manqué faire de l’ombre au numéro un mondial, astre solaire, en vain. Une mise en lumière trop courte. Météo grise et pluvieuse sur le central, on pourra toujours dire qu’il ne s’est rien passé. La déception n’en sera que moins âpre. Il faudra attendre, selon les prévisions des spécialistes, 2117 et 2125 pour voir se reproduire pareil phénomène. Le regarder à l’œil nu, doit-on le rappeler, est dangereux. Hélas, pauvres hères, mortels spectateurs, le danger ne sera plus alors que vieilles lunes.  

photo : Transit de Vénus sur le disque solaire 

lundi 4 juin 2012


Les voilà. Les petits panneaux gris d’affichage électoral qu’on voit à nouveau fleurir sur les trottoirs attestent qu’est revenu le temps des élections. Le prix de ce mobilier urbain d’utilité publique varie, espérons que les convictions qu’ils présentent ne fluctuent pas. Selon les modèles, ils vont de 80€ à 120€ ; ces sommes sont toutes taxes comprises, celles de la société civile.
Panneau petit budget, simple et épuré, en acier galvanisé, respectueux des règles d'affichage du code électoral ; panneau robuste et esthétique et surtout recto verso ; panneau à assembler en triangle autour d’un arbre ou en ligne si le totem végétal vient à manquer ; panneau double et gain de place grâce aux deux plaques de numérotation situées sur la même face ; panneau à pied amovible ou bien livré avec une boîte de scellement, ou encore fixé dans des plots en béton. Que de choix, et c’est comme si la démocratie s’invitait aussi dans le catalogue des produits destinés au vote citoyen. Appelons ça l’opposition commerciale.
Puis pénétrer dans l’isoloir de vote Diderot, stable et facile à monter, avec la case initiale, clé de voute à 280€, et case suivante à 200€, autant que vous voulez. Le plus politiquement correct étant celui prévu pour les personnes à mobilité réduite et leur fauteuil roulant, qui approche quand même les 400€. Bonne nouvelle : on peut négocier. Des prix dégressifs sont envisagés dans tous les cas si plusieurs bureaux se fédèrent pour acheter trois ou cinq exemplaires. Il existe aussi des isoloirs en carton beaucoup moins chers (environ 90€), brevetés et conformes aux normes françaises. Un doute demeure : leur matériau cheap influencerait-il le vote ? Est-ce qu’on se décide différemment dans un isoloir de métal ou dans une structure en papier ? On ne le saura pas, car pour le moment, on les réserve surtout aux élections en entreprise. C’est heureux.
Bon à savoir : il est possible de changer le rideau et la tringle de l'isoloir, s'ils ont subi les assauts répétés des votants. Une version en satin à près de 40€ nous inquiète ; nous précisons que les "assauts répétés" n'ont aucun caractère sexuel. 
Étape suivante, glisser sa voix dans l’urne Montesquieu, 245€, légère, incassable, empilable et intégralement transparente (comme des chaises de café design), et qui existe en trois tailles différentes. L’urne Voltaire, maniable, stable et sécurisée, disponible en deux tailles, est un peu plus chère : environ 300€, mais qui chipoterait avec la sécurité.
Et enfin, signer le registre (si vous êtes bien loti, un plateau pivotant facilitera la manipulation, pour la modique somme de 60€) en s’appliquant à caser les boucles, les pleins et les déliés de votre écriture manuscrite dans l’espace évidé prévu par la réglette, à 8€.