samedi 27 juillet 2013


De quoi l'île est-elle le nom ? 

C'est une île où les prénoms des enfants brillent comme d'étranges trophées. Armance, Azilice, Corentine, Garance, Félicie, Victoire. 
Une île où les bégonias ont l'air d'avoir été shampouinés. 
Où le poisson pêché s'offre en costume d'intérieur sur son lit de glace. 
La famille y est le mètre étalon. 
Même prononcer le nom de cette île, c'est mettre Dieu dans sa bouche. Ile d'Yeu. Homonymie toute-puissante. On pourrait, pourquoi pas, célébrer la messe sur ses plages. D'élégants et fins galets, trouvés ça et là, feraient de belles hosties. 
Mais les plages. Plage de la raie profonde, plage de la pipe, plage des ovaires. On rit à table en se passant les plats. Les ados inventent la plage des gonades, souvenir de SVT, quand une plage de la baise suffit bien aux plus grands, rythmée par un autre déhanchement que celui des marées.
Les côtes deviennent ce petit îlot de résistance au cœur de l'harmonie généralisée. 
La nuit, sur le quai, face aux quelques bars où l'ivresse est tenue en laisse, un homme qui n'est plus tout jeune fait les cent pas, sac sur le dos, livre à la main. De loin, un égaré de randonnée. On le dit podophile. On dirait surtout qu'il veut s'enfuir de là. 
L'année suivante, on signalera l'ėclosion de nouveaux prénoms. Et les générations perpétueront le ravissement.

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