dimanche 21 avril 2013


Tout était prévu. Pour la table basse en bois massif, qui accueillerait petites victuailles ou nourritures de l'esprit, ça allait s'arranger. Une tronçonneuse permettrait d'y remédier. Et quelle bonne idée cette desserte roulante. On en vanterait jamais assez les mérites. 

vendredi 19 avril 2013


Allergène

Ici, tousser, éternuer, avoir les yeux rouges, qui pleurent et qui piquent. Pour cela, incriminer le pollen, qui frappe en ce moment de plein fouet. Ailleurs, souffrir de problèmes respiratoires, d'éruptions cutanées, de drôles de manifestations corporelles, incontrôlables et sacrément gênantes, voire dangereuses. Les acariens, le latex, les chats, les piqûres d'insectes, le silicone, l'arachide, que sais-je encore. Dans cette grande braderie de l'allergie, se pourrait-il qu'un jour, nous puissions l'être à l'homme ? Mutations génétiques, mystères anthropologiques, que sais-je. Ne pas supporter la proximité d'un autre représentant du genre humain, être réactif à trop de grains de beauté, à la couleur d'un iris, ou à la forme des ongles des mains. Intolérance physiquement exprimée et rédhibitoire, désolé. Se couvrir d'un eczéma géant et purulent au contact d'un  adulte qu'on pensait lambda ; desquamer comme un beau diable, et la peau bientôt à vif devant le responsable de cette pécole, hanter ses nuits à tout jamais par ce visuel peu ragoûtant ; vomir à flots ininterrompus sur les chaussures de celui qui n'a rien fait pour mériter ça ; avoir les dents qui poussent subitement et mordre au cou le pauvre inconnu, vidé de son sang et bientôt exsangue, parce que ce serait malheureusement la seule chose à faire pour que s'arrête le nouveau calvaire d'ivoire de l'allergique, dont la dentition sinon risquerait de l'auto-perforer. Des scénarios peut-être un peu effrayants certes, mais les premiers symptômes, pris à temps, permettraient d'éviter une bonne partie des drames. Qu'aucune réaction ne soit à déplorer serait déjà l'indice d'une relation possible. Un espoir en somme. 

mercredi 17 avril 2013


Échauffement
Ecrire à propos des gymnases, des catastrophes, des entraînements, des dortoirs d'urgence, des agrès, des après, des lits de camps, des poutres, des couvertures de survie, des larmes que les tapis de sol n'absorbent pas, de la poudre de magnésium, de l'effroi dans les yeux des sinistrés, du muscle, du pyjama pour tout vêtement, du fair play, de la petite bouteille d'eau en matière recyclable, de la rougeur localisée là, de la perte, du marquage au sol, de la peur, de la sueur, de la douleur partout présente, du bruit crissant de la chaussure sur le revêtement, de l'heure et du lieu du drame, de l'effort, de la sensation d'être un rescapé, du corps tonique, de l'âme détruite, de l'endurance, de l'endurance, de l'endurance. 

lundi 15 avril 2013

"C&S"

De passage rue de Paradis, je vois au loin s'épanouir ces initiales, sur une enseigne perpendiculaire ; ces initiales qui, autant ne pas faire durer plus avant le suspense, sont aussi les miennes. Le C en jaune, le S en vert. Même si, personnellement, je n'aurais pas fait ce choix de couleurs-là, mon ego se rengorge comme un paon, je crois percevoir un signe dans cette géolocalisation, je me surprends à aimer cet effet majuscule, à trouver du charme à ce petit monde clos, du c au s. En m'approchant, je découvre la raison d'être implacable de ces lettres, sur la devanture de l'établissement : CS pour Crèpes & Salades. Le revers est cinglant. J'avale mon estime de moi comme un repas rapide. 

samedi 13 avril 2013


Au bout d'une ruelle sombre,
après avoir franchi des pavés disjoints, 
longé des façades sans émotion,
aperçu de froids intérieurs,
  le voir, dos au mur, lui, le bonheur ! 

mardi 9 avril 2013


Pas / Tri / Moine

Les mains trop engourdies
Le cerveau en bouillie
L'ordinateur sans batterie
Arrêter
De dresser sans répit 
La liste 
De tout ce qu'on n'a pas. 

dimanche 7 avril 2013

Chambre 20 


Ils sont arrivés en fin de journée après un vol dont elle oublierait un jour l'avoir effectué. Le chignon de l'hôtesse. La couleur du vernis de l'hôtesse. Le plat au couvercle argenté. Le va-et-vient dans les allées d'inconnus en chaussettes. Les écouteurs dans leur sachet plastique. Il dit, en garant la voiture de location couleur corail devant l'hôtel : "J'ai les cervicales en miettes". Elle passa une main dans sa nuque et pensa pour la première fois qu'ils formaient un couple. Dans l'habitacle, la radio diffusait de la variété locale, et à la fin d'une chanson, une voix d'homme leur confirma qu'ils ne comprenaient pas la langue, ni l'un, ni l'autre. Seul le prénom Zlatan se détachait, dit plusieurs fois, comme un mantra. La chambre donnait bien sur la mer, mais la couleur de l'eau était... peut-être un peu décevante. Ou était-ce la lumière. Elle ouvrit la porte-fenêtre donnant sur le petit balcon qui accueillait un bac à plantes, jaune pâle, dans lequel une chose minuscule semblait pousser de toutes ses forces. Elle eut une envie terrible de fumer, après avoir aperçu en contrebas la piscine, songeuse devant la taille du bassin. Elle vit un seul parasol bleu rayé de blanc, fermé, au pied désolidarisé, comme un mikado. Elle n'avait jamais fumé devant lui. Il dit : "J'ai oublié mon téléphone dans la voiture, je reviens." Il quitta la chambre, gardant en tête l'image du poste de télévision qui trônait devant le lit, un peu indifférent pour tout dire à la sea view. Ils n'avaient jamais regardé la télé ensemble. Il rêvait de s'affaler devant n'importe quoi, avec elle. Pour voir ce que ça faisait. Une merde. Une série. Un reportage. Le tour de France, pourquoi pas, il devait bien y avoir une chaîne de sport, c'était une étape de montagne en ce moment, il avait lu ça dans le quotidien offert à bord. Elle en profita pour aller chercher une cigarette dans la poche intérieure de son sac, ce double fond coupable, et chacun de ses gestes avait un poids, une densité. Elle retourna sur le balcon. Rien pour allumer. Elle porta la cigarette à ses lèvres, têtue, avant d'accepter son infortune et d'enfouir le bâton de tabac dans le bac à plantes. Comme on met de la cendre au pied des bégonias. La terre était si sèche qu'elle dut s'y prendre à plusieurs fois. Elle décida de rentrer, de se laver les mains, d'enlever tous ses vêtements. Elle ne portait pas de chaussettes, mais mentalement, les ôta aussi. 

jeudi 4 avril 2013

Hurlez d'amour, jetez votre oreillette, 
onsyecriera fête son 1 an demain !! 
Grosse réception, lieu sublime, crépi sur les murs, qualité gastro, moquette au sol, toilettes à l'étage, détecteur de fumée et du beau linge pour s'essuyer. 

Allez, venez.

mercredi 3 avril 2013


Je viens de terminer un repas de coquillages ouverts accompagnés d'un os à moelle gratiné et la graisse de mes couverts posés sur le set de table en papier me révèle une tête d'animal, apparition spectrale. 
Je viens d'achever la lecture de Ladivine de Marie NDiaye (éditions Gallimard) où la présence d'un chien, menace ou protection, donne au récit son étrangeté, son nerf, son suif.