mardi 27 janvier 2015


Hiver. Un homme vêtu d'un manteau de belle facture sirote au comptoir un petit serré, absorbé par la lecture d'un quotidien. Je prends place devant le zinc. Je remarque un chien posté en bas de son tabouret et mes yeux croisent alors ses pieds nus. L'homme porte des tongs. La présence canine et poilue au niveau inférieur lui offre-t-elle la chaleur nécessaire pour vivre ainsi le pied à l'air ? Quel est son secret ? A-t-il trotté ainsi à la grande marche républicaine ? J'interroge le chien du regard. J'essaie de lire de loin dans le marc. J'inspecte les lieux d'aisance. Aucune trace de boots de créateur taille 43, laissées comme à la maison, chaussettes italiennes tire-bouchonnées en embauchoirs. Je cherche des yeux un podologue dans la salle. Rien ne me renseigne sur ce pied dénudé, qui pique ma curiosité. Une épine dans l'œil. Cet homme, qui à aucun moment ne me prête attention, sait-il seulement que d'autres souffrent de précarité énergétique ? Le pied qu'il arbore comme un accessoire me semble un luxe, je voudrais lui souffler d'aller vivre ailleurs que dans l'espace public son intime confession fétiche. Mais que dis-je ? Je mélange toute en ce début d'année. Je me ressaisis. Et je l'admets : rien ne compte plus que la liberté de pression de sa voûte plantaire. 

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